L'Arabie Saoudite était-elle vraiment menacée?
Aux premiers jours d'août 90, par quel objectif les USA justifient-ils
l'envoi massif de troupes au Proche-Orient? Bush ne dit pas, à ce
moment, qu'il s'agit de libérer le Koweït, encore moins de
liquider Saddam Hussein. Pour l'instant, il préfère invoquer
un but qui fasse plus facilement l'unanimité. Quel but est plus
acceptable que la protection d'un pays menacé d'invasion?
Aucun média n'examine la question fondamentale, "volontairement
occultée", nous dit Hamadi Essid, ex-ambassadeur de la ligue Arabe
à Paris, "par ceux qui ont voulu faire croire que l'Irak menaçait
l'Arabie Saoudite. Si, après huit ans d'une longue guerre contre
l'Iran, Saddam Hussein a pu mobiliser son peuple pour l'invasion et l'annexion
du Koweït (...) c'est simplement parce que dans la mémoire
collective du peuple irakien, le Koweït n'a jamais été
reconnu comme un Etat souverain. Je ne justifie pas moralement cette mobilisation,
j'essaie de l'expliquer psychologiquement: Saddam Hussein n'aurait jamais
pu mobiliser les irakiens pour une invasion, alors là totalement
"gratuite" si l'on peut dire de l'Arabie Saoudite ou des Emirats."
Confidences évoquées au Monde, pas au Soir...
En ce début de la crise, une différence importante. Le
Soir, tout comme le gouvernement belge, suit sans réserve la position
américaine et passe sous silence toute information contredisant
la "menace sur l'Arabie". Le Monde, par contre, diffuse côte à
côte cette version américaine et certaines informations qui
la réfutent. Mais toujours sans commentaire, sans démontrer
l'incohérence de la ligne officielle. D'un côté, il
reproduit telle quelle cette version américaine: "Sévère
avertissement de M. Bush à propos de l'Arabie Saoudite" (titre du
5 août).
Mais, de l'autre côté, il lève le voile dès
le 7 août sur d'autres objectifs, beaucoup moins "défensifs":
"les services de la CIA auraient convaincu le président Bush que
"l'intérêt national" exigeait un effort exceptionnel pour
se débarasser (de Saddam Hussein)." Le lendemain, le Monde cite
même brièvement le chef de l'Etat irakien pour qui ces informations
sont "un prétexte pour intervenir dans la région et justifier
une agression contre l'Irak".
De même, le 19 août, lorsque Dick Cheney avoue que "l'engagement
américain en Arabie Saoudite est à long terme", le Monde
reproduit cet aveu, toujours sans commentaires. Sans relever, par exemple,
que Bush disait, quelques jours plus tôt, "espérer que nos
troupes ne resteront pas longtemps". Le Soir, lui, ne citera ni le démenti
irakien, ni la confidence révélatrice de Dick Cheney, ni
les buts reconnus par la CIA. Logique: dire d'emblée que le but
est de se débarasser de Saddam Hussein met par terre la thèse
"nous intervenons uniquement pour défendre l'Arabie Saoudite".
Lorsqu'un journaliste américain révélera que les
photos-satellites ne montrent rien du tout, l'affaire sera soigneusement
étouffée par Le Monde, Le Soir et tous les médias
dominants...
Le Soir, 04/08/90
Des rumeurs circulaient au sujet d'une invasion irakienne possible
de l'arabie Saoudite, ce qui créerait une situation nouvelle et
très dangereuse.
Les "rumeurs" sont le plus souvent un paravent des services secrets.
Le Soir, 05/08/90
Les services de renseignements américains confirmant une nouvelle
concentration de cent mille soldats irakiens près de la frontière
avec l'Arabie Saoudite, ont une nouvelle fois évoqué "le
risque d'une possible invasion".
Ils se "confirment" eux-mêmes?
Le Soir, 06/08/90
L'Irak satellise le Koweït et menace Riyad (gros titre à
la une)
...des craintes renforcées dimanche par
l'observation
d'un important acheminement de renforts dans le sud.
Observation par qui? Jamais Le Soir ne cite ses sources.
Le Monde, 07/08/90
M. Cheney a été dépêché en Arabie
Saoudite afin de mettre au point un plan
défensif
contre
une éventuelle agression irakienne.
RTBF, 08/08/90
Les forces américaines ont été envoyées
en Arabie Saoudite à la demande de Riyad, incapable d'assurer seule
sa défense face à l'agression irakienne(...) leur rôle
est essentiellement
défensif.
Le Soir, 09/08/90
Bien qu'il ait insisté sur la
mission défensive
des forces américaines (...) George Bush n'a pas donné d'indications
qui permettent de croire que les troupes américaines puissent entreprendre
une reconquête de l'émirat:
"Nos troupes ne déclencheront
pas d'hostilités".
Aucun média ne rappellera cette phrase lorsque les USA déclencheront
les hostilités.