Se changer soi pour changer le monde
Sans avoir à faire la guerre à la guerre, ni faire pression sur les dirigeants, ni dénoncer les multinationales ; nous pouvons être, à titre individuel, les acteurs du changement, en assumant notre part.
Le changement viendra d'une transformation individuelle et en profondeur des mentalités, des comportements, et de nos rapports aux autres. Par sa puissance, son rayonnement et son potentiel de contagion, elle provoquera une mutation du système de société. Car notre société courra à sa perte si aucun bouleversement n'intervient dans les prochaines années. S'attaquer à ce qui pose problème ne fera pas partie du processus, car les vraies solutions résident hors des problèmes.
Retour à la réalité
Autour de nous, tout, ou presque, nous encourage
à somnoler dans notre train-train de citoyen docile. Réveillons-nous.
Pour commencer, refusons l'influence des mass médias en nous éloignant,
dans la mesure de nos possibilités, de la télévision,
la radio, la publicité, les journaux et magazines de masse. Car
en nous croyant bon juge, doué d'esprit critique, nous ne stoppons
pas réellement leur influence, restant hypnotisés sans en
être conscients : invonlontairement manipulés à souhait.
Reprenons le temps de vivre, retrouvons notre sérénité,
renouons des liens avec notre entourage, et orientons notre énergie
vers des activités plus créatives, ludiques, sociales, constructives,
épanouissantes. L'information alternative existe via internet, des
associations, des conférences, des débats, forums, livres...
Cherchons-là, car elle est utile, mais ne nous en gavons pas. Car
il n'est pas nécessaire d'être spécialiste et de connaître
tous les détails de l'actualité au quotidien, ni de se lamenter
en permanence sur ce qui ne va pas, afin d'être efficace pour changer
les choses autour de soi. Nous n'atteindrons jamais une connaissance objective
de la situation du monde dans lequel nous vivons, mais tentons de comprendre
selon nos aptitudes, avec le plus de justesse possible. Cette première
étape est indispensable pour reprendre contact avec la réalité,
et pour recentrer nos énergies vers plus de cohérence entre
qui nous sommes et ce que nous faisons au quotidien.
Consomm'acteurs
En parallèle, faisons évoluer nos
comportements de consomm'acteurs dans tous les domaines de notre quotidien
: l'énergie, l'eau, le papier, l'alimentation, sa provenance et
son emballage, l'habillement, le transport, l'épargne, les loisirs,
nos références en termes de cadeaux, fêtes, collections,
vacances, etc. Tout peut être remis en question, et chacun évoluera
à son rythme et à sa manière.
Suivre ou ne plus suivre
Ensuite, nous serons amenés à modifier
nos propres modes de pensée, de comportement, nos rapports aux autres.
En effet, nous pouvons, à notre échelle, arrêter de
participer à un système auquel nous n'adhérons pas,
en refusant de fonctionner selon la logique et les valeurs qui lui permettent
de se pérpétuer, et en tout premier : sa violence. Car, influencés
depuis si longtemps par le système dans lequel nous vivons, et de
façon si massive, nous l'avons finalement intégré
sans même nous en apercevoir. Et bien souvent, nous sommes incapables
de faire la différence entre les valeurs résultant du conditionnement
et nos valeurs propres. Quand nous dénonçons un problème
extérieur à nous, bien souvent nous proposons une solution
tout aussi problématique, car cette solution répond à
la même logique que celle du problème dénoncé
(faire la guerre à la guerre, utiliser le rapport de force). Nous
avons intégré les modèles imposés : intellectuellement,
mais également psychologiquement et même physiquement. Nous
suivons la mode, jetons presque tout ; tout doit aller vite, être
automatisé. Et par dessus tout, nous sommes devenus incapables de
réfléchir par nous-mêmes, en particulier sur les sujets
qui nous concernent directement, convaincus que les personnes médiatisées
ou diplômées, qui nous sont présentées comme
des spécialistes, savent mieux que nous-mêmes ce qui est bon
pour nous. Nous en sommes arrivés à suivre un système
de valeurs que, au fond de nous, nous réprouvons ; influencés
que nous sommes par une opinion commune rarement contredite. Et quand nous
avons le moindre doute, l'idée d'être seul contre tous à
oser désirer autre chose, nous conduit inéxorablement à
la conclusion que nous sommes impuissants et ne pouvons donc plus que laisser
faire.
Cette prise de conscience est l'élément clé du processus de transformation, sans elle, rien ne changera vraiment. Mais nous pouvons nous réapproprier nos capacités intellectuelles, réapprendre à écouter notre coeur, à faire confiance à notre bon sens et à notre intuition. Nous intégrerons d'autres références en développant des alternatives culturelles permettant, dans un premier temps, de vivre dans un monde décadent, sans y participer activement. Nous rétablirons notre cohérence en ne nous limitant pas à agir à l'extérieur de nous, mais en travaillant aussi sur nous-mêmes. Ne quittons pas un modèle auquel nous voulons refuser de coopérer, pour entrer dans un nouveau moule. Mais retrouvons notre réelle authenticité, en tirant les leçons de nos expériences.
à plusieurs c'est possible
Bien qu'individuel, ce chemin nécessite
le soutien d'autres gens autour de nous. Redéveloppons l'entraide,
la solidarité ; favorisons les échanges d'informations, de
conseils, de services et de biens ; améliorons nos capacités
à communiquer et la qualité de nos relations. Les réseaux,
associations qui peuvent être le cadre de cette solidarité,
existent déjà. Internet peut être d'une aide considérable
pour mettre en réseau toutes les initiatives. Pour répandre
ces changements, il faudra apprendre à témoigner, rayonner,
faire contagion autour de soi. Car l'effet d'une information qui passe
dans les médias n'est qu'un feu de paille. En comparaison, l'influence
que nous pouvons exercer sur les personnes de notre entourage marquera
bien davantage, en semant autour de nous, sans pression, ni manipulation,
mais en laissant à chacun la liberté de laisser germer en
lui la semence pour que s'épanouissent de nouveaux modes de fonctionnement.
Cependant, le fait de rayonner, informer, transmettre, n'a qu'un effet
catalyseur sur ces personnes et n'épargne pas le travail à
faire par chacunes d'elles. Il ne peut que le faciliter, l'accélérer,
pas l'éviter.
Cette utopie pourra être notre réalité de demain. Mais sa réussite dépendra de notre motivation et de notre capacité à l'envisager comme possible dès aujourd'hui. Car y croire nous mènera à mieux adapter nos actes à nos objectifs ainsi qu'à mieux rayonner, ce qui nous rendra plus efficace. Et y croire c'est avant tout un choix : celui de nous conformer, d'anesthésier qui nous sommes, d'abdiquer devant nos responsabilités sous prétexte que les autres ne prennent pas les leurs et que cela nous rend impuissant ; ou celui de nous sentir partie prenante dans le monde dans lequel nous vivons, et d'y assumer notre part de responsabilité. Et au même titre qu'un grain de sable peut se transformer en verre, et transmettre la lumière ; en prenant le pari de nous transformer, nous pourrons transmettre le fruit de notre expérience autour de nous.
Il n'y a pas un chemin, il y a 7 milliards de
chemins à la mesure de chacun qui choisira de s'y engager.
La part du colibri
Un immense incendie ravage la jungle. Affolés,
les animaux fuient en tout sens. Seul un colibri, sans relâche, fait
l'aller-retour de la rivière au brasier, une goutte d'eau dans son
bec, pour l'y déposer sur le feu. Un toucan à l'énorme
bec l'interpelle : "tu es fou, colibri, tu vois bien que cela ne sert
à rien". "Oui, je sais", réponds le colibri, "mais
je fais ma part"...
Source : Agenda Plus, n°162, novembre
2004
www.agendaplus.be