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Halabja: pourquoi a-t-on écarté tous les témoignages contraires?

Halabja, le gazage de civils kurdes en mars 88, a été utilisé de façon insistante pour démontrer le "caractère monstrueux" du régime irakien. Même quand les faits sont atroces, surtout quand ils sont atroces, la vigilance, l'examen critique sont de mises. Comme le montrera le chapitre consacré aux "atrocités", ce type de faits, bouleversant surtout s'il est accompagné d'images, est utilisé systématiquement pour susciter des réactions émotionnelles très fortes et faire passer en même temps un message politique.
Peut-on affirmer à 100% connaître la vérité?
Non, et aucune hypothèse ne peut être écartée en l'état actuel des informations. Mais une chose frappe: les médias occidentaux ont systématiquement caché les informations contredisant la thèse "C'est Saddam Hussein". Par exemple, le rapport américain, élaboré par une commission américaine, de l'Army War College Team et celui du Département de la Défense US affirmant qu'Halabja avait très probablement été gazée par l'armée iranienne.
Cette dissimulation nous induit à penser qu'il s'agit ici d'une campagne de propagande et non d'information.

Le rapport qu'on a caché...

"On sait que les responsables américains et des diplomates occidentaux ont eu accès aux communications interceptées sur le champ de bataille. L'étude affirme que l'Iran peut avoir été le premier à tirer des obus contenant du cyanide sur Halabja, car les généraux iraniens croyaient, par erreur, que les forces irakiennes occupaient la ville.
"Il n'est pas possible de déterminer quel camp a provoqué le plus grand nombre de victimes dans la ville", a déclaré un spécialiste expérimenté du Pentagone. Mais l'affirmation iranienne du 20 mars, selon laquelle la plupart des victimes d'Halabja ont été empoisonnées par du cyanide, a été considérée comme un élément clé prouvant que l'Iran couvrait son propre usage de ce gaz, ont déclaré des responsables du Pentagone. "Nous savons que l'Irak n'utilise pas de gaz cyanide. Nous avons une très bonne connaissance des agents chimiques que les Irakiens produisent et utilisent, et nous savons ce que chacun ne fait pas. Nous sommes sûrs que l'Iran utilise le cyanide."
Source: Résumé dans le Washington Post du 4 mai 1990 d'un rapport du Département US de la Défense.

Quand l'Irak est accussé, probablement a tort,
de gazer les Kurdes à Kalabja, cette photo fait
le tour du monde
                               

Quand les Turcs gazent des kurdes,
aucun media ne publie cette photo
Sans doute, les Iraniens...
Interview du Dr Abdul Rahman Ghassemlou, secrétaire du Parti Démocratique Kurde d'Iran, en 1988:

La BBC vous a prêté des propos selon lesquels l'Irak aurait employé des armes chimiques?
Dr. G. J'ai démenti ces propos. Quand on m'a interrogé sur l'emploi d'armes chimiques, j'ai répondu que je condamnais l'utilisation de ces armes en général et que d'après les rapports de l'émissaire des Nations unies qui avait visité le nord de l'Irak, aucune preuve n'a été apportée. Nous-mêmes, qui sommes installés dans la région, n'avons trouvé aucune trace d'un tel emploi (...) Par ailleurs, j'ai vu le régime iranien utiliser les armes chimiques contre les Kurdes à deux reprises, la première en 1982 et la deuxième le 16 août 1987.
Pourquoi n'en a-t-on pas parlé alors?
Dr. G. Je vous le dis en toute franchise, la campagne orchestrée aux USA pour la défense des Kurdes est suspecte. Depuis dix ans que nous combattons le régime iranien, nous n'avons bénéficié d'aucune couverture médiatique.
Publiée par l'hebdomadaire arabe Kol Al-Arab, l'interview fut reproduite par l'Idiot International le 13 mars 91, mais passée sous silence par les autres médias français et belges.
 

La question Kurde

La question nationale Kurde constitue un problème historique et politique complexe qui dépasse le cadre de ce livre. Signalons seulement qu'elle a été utilisée avec cynisme.
En mars-avril 91, lorsque les médias occidentaux ont braqué quotidiennement les projecteurs sur le "drame kurde", ils ont passé sous silence quatre faits: 1. Que l'Irak est certainement le pays où les Kurdes sont le mieux traités (en août 90, la Turquie avait officiellement suspendu l'application de la convention européenne des droits de l'homme dans les provinces kurdes, sans aucune protestation occidentale). 2. Que depuis vingt ans, Américains et Israéliens se servent des mouvements kurdes de Barzani et Talabani uniquement pour affaiblir l'Irak. 3. Que l'insurrection, puis l'exode kurde de mars 91 avaient été instigués par une campagne de rumeurs alarmistes, selon un plan machiavélique. 4. Que pour affaiblir le régime irakien, les américains ne visent pas, comme le constate l'officielle commission américaine Pike à "résoudre le problème kurde d'une manière ni d'une autre", mais au contraire à le faire durer. Une fois encore, on ne montre qu'une conséquence, pas les causes. Cela est démontré par les textes ci-après que ces médias ont écartés.

El Moudjahid
17 mars 91
Le rapport Pike (rédigé en 1976 par une commission parlementaire US sur les services secrets) le confirme. La longue subversion du mollah Barzani dans le nord du pays ne put se maintenir et se développer que grâce au soutien, financier, matériel et logistique, du Shah et cela en étroite collaboration avec la CIA. Lorsque le président Richard Nixon rend visite au Shah d'Iran, le 30 mai 1972, (...) le Shah demande aux Etats-Unis de "l'aider à aider les Kurdes à rendre la vie difficile à son voisin et ennemi irakien".
Le rapport Pike précise: "Tant le président et le Dr Kissinger que le Shah d'Iran ne désiraient pas que nos clients (les Kurdes) puissent obtenir la victoire. Nous pensons que le Shah verrait d'un mauvais oeil l'établissement officiel d'un gouvernement kurde. Tant l'Iran que les Etats-Unis entendent profiter d'une situation sans issue dans laquelle l'Irak se trouverait intrinsèquement affaibli par le refus des Kurdes."

La stratégie d'Israël
"L'Irak, pays à la fois riche en pétrole et en proie à de graves dissensions internes, est un terrain d'action propice pour Israël. Le démantèlement de ce pays nous importe encore plus que celui de la Syrie, l'Irak étant plus fort que la Syrie. Tout conflit intérieur du monde arabe nous est bénéfique à court terme et précipite le moment où l'Irak se divisera en fonction de ses communautés religieuses comme la Syrie et le Liban. En Irak, une division en provinces peut se faire (...) autour de trois villes principales: Bassorah, Bagdad et Mossoul. Et les régions chiites du sud se sépareront des sunnites et des Kurdes du nord".
Source: Odded Yinon (collaborateur des Affaires étrangères israéliennes), "La stratégie d'Israël dans les années 80", revue israélienne Kivunim, printemps 82).

"Pas des missionnaires"...
Après le coup d'Etat baasiste de juillet 1968, des négociations s'ouvrent entre Barzani et le pouvoir central qui, le 11 mars 1970, publie un manifeste: il reconnaît l'existence nationale des Kurdes, leur droit à utiliser leur propre langue et à administrer leur propre région. C'est un pas en avant considérable même si d'épineux problèmes demeurent, en particulier la délimitation du territoire Kurde (...)
Barzani hésite. (...) Mais ce sont les Etats-Unis qui emportent sa conviction: il se fie aux assurances que lui prodigue la plus puissante démocratie du monde et décide de refuser le compromis et de relancer la lutte armée. (...) Il faut épuiser l'Irak tout en évitant une victoire Kurde qui porrait donner un mauvais exemple.
En mars 1975, (...) la rébellion Kurde s'effondre et ses appels désespérés aux Etats-Unis restent sans réponses. 200.000 Kurdes trouvent refuge en Iran, dont un grand nombre seront rapatriés de force. Interrogé par une commission du Congrès sur ce lâchage, Henry Kissinger commentera avec son cynisme habituel: "Les actions clandestines ne doivent pas être confondues avec le travail de missionnaire."

Calcul diabolique
"Les américains ont poussé les Kurdes et certains groupes chiites dans une insurrection aventureuse qu'ils savaient condamnée à l'échec. Ils l'ont fait par un calcul diabolique et macabre. Ils espéraient que l'armée de Saddam Hussein ferait beaucoup de victimes parmi les Kurdes et les chiites, ce qui minerait son soutien populaire et créerait les conditions d'un coup d'Etat de droite en Irak. Le but stratégique des américains est bien le maintien de l'Etat irakien et son affaiblissement par une division interne en trois "provinces" ayant une grande autonomie, sous la direction respective de réactionnaires kurdes, chiites et sunnites pro-occidentaux. Cet Irak, divisé à l'intérieur, n'aurait plus aucune capacité de s'opposer à l'Etat sioniste, ni de mener une politique arabe conséquente."
Source: Ludo Martens, La CIA, le Mossad, l'Irak et les Kurdes, Solidaire, 17 avril 1991
 

En Iran et en Turquie...
"Les Kurdes d'Iran (7 millions) ou de Turquie (12 millions) se voient privés de toutes reconnaissance et de tout exercice de leurs droits nationaux ou politiques. Le régime iranie réprime dans le feu et dans le sang la révolte kurde qui sévit dans le Kurdistan iranien depuis 1979. A titre d'exemple, il considère la reconnaissance des droits des Kurdes comme contraire à la religion!
La Turquie ne reconnait même pas l'existence d'un peuple kurde. Le nom sous lequel elle désigne ses propres citoyens kurdes est "les Turcs des montagnes"! Toutes ces régions sont d'ailleurs soumises depuis des années à la loi martiale. (...) Elle n'a pas hésité à bombarder les villages kurdes en Irak et en Turquie à la fois.
Il suffit donc de regarder en face la situation scandaleuse et tragique des Kurdes dans les pays limitrophes et de la comparer à celles des Kurdes irakiens pour découvrir l'hypocrisie et la mauvaise foi de ceux qui orchestrent actuellement cette campagne internationale de dénigrement et de diffamation contre l'Irak.
Communiqué de presse de la Commission nationale irakienne pour l'Unesco, 2 avril 1991.

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