La marée noire
La Meuse 28 janvier 1991
La
terrible arme écologique de l'Irak
(Affirmation sans preuve. Ce journal cache
toutes les informations en sens contraire).
Bagdad a provoqué la plus grande marée
noire de tous les temps en déversant dans le Golfe Persique des
centaines de milliers de tonnes de pétrole brut.
(Exagération énorme. De nombreuses
autres la dépassent).
La nappe de pétrole à continué à s'étendre.
Hier, elle recouvrait déjà une superficie de 50 km de large.
Bush a ordonné l'envoi immédiat d'une armada d'experts. En
vain, peut-être: "C'est un problème dont personne n'a la solution
actuellement", dit un expert du sauvetage maritime de Dubaï.
"Cette marée noire a pris une telle taille qu'il n'existe aucun
moyen sur Terre pour la contenir." Des barrages ont été installés
pour protéger les stations de désalinisation, qui approvisionnent
en eau potable les civils et les militaires de la coalition. Ces barrages
ne pèsent pas lourd face à la quantité de pétrole
que charrie la mer.
Faux, les solutions techniques,
relativement simples, existent.
Selon le numéro deux de la marine française,
si une opération de débarquement devait avoir lieu, les soldats
seraient déposés sur la plage "par des bâtiments de
débarquement et des hélicoptères". La marée
noire pourrait poser des problèmes "de prise d'eau et de refroidissement
des moteurs aux éléments navals classiques, mais pas aux
aéroglisseurs", qui devraient être massivement utilisés.
L'Irak pourrait-il mettre le feu à cette nappe de pétrole
pour empêcher un débarquement? Il semble que non. Le pétrole
brut ne brûle pas facilement. Le Golfe, devenu un "cloaque infect",
pourrait paralyser le trafic pétrolier. Or, 10 millions de barils
transitent quotidiennement par le détroit d'Ormuz.
Nord ou Sud: deux versions opposées
La marée noire se répand sur les
médias occidentaux le vendredi 25/01/91. Or, la veille, Radio Bagdad
avait annoncé: "Des avions américains ont attaqué
deux pétroliers irakiens à 13h40 mardi et l'agression a provoqué
la fuite d'une énorme quantité de pétrole dans les
eaux du Golfe." Les Irakiens mettaient en garde contre les risques de pollution.
Répercutée par une dépêche de l'agence Reuter,
cette information sera publiée le 25/01/91 par le journal tunisien
Le Temps.
Mais, en Europe, elle sera passée
sous silence. Le Soir, Le Monde, TF1, RTL, RTBF, personne n'en parlera.
Par contre, quand, le lendemain, les alliés
dénoncent une marée noire "délibérément
provoquée" par les Irakiens, tous les médias embrayaient
comme un seul homme.
Le Soir (26/01) reproduit
cette seule version sans mentionner le point de vue irakien. Le Monde (27/01)
titre à la une: "Washington accuse Bagdad de terrorisme écologique."
D'emblée, les médias se partagent
en deux points de vue opposés: Nord contre Sud. Par "Nord et Sud",
rappelons-le, nous n'entendons pas tous les médias situés
géographiquement dans un camp. Mais bien un partage entre points
de vue favorables ou opposés à la domination du Nord sur
le Sud.
Le quotidien tunisien Le Temps, qui jusqu'ici
reprenait largement les dépêches des agences occidentales
et présentait de nombreux faits selon le point de vue des alliés
(tout en accordant la parole dans ses interviews et tribunes libres à
un éventail plus large d'opinions), Le Temps à présent
prend ses distances et, le 26/01, il écrit assez logiquement: "Devant
les accusations mutuelles et les propos contradictoires des deux parties,
il est du devoir de l'ONU et des organisations spécialisées
de procéder à une enquête minutieuse afin de déterminer
les responsabilités et de faire toute la lumière." Attitude
objective et logique. Une logique que ne partagera guère, malheureusement,
la presse du Nord... Celle-ci refuse d'envisager sérieusement les
diverses hypothèses possibles: erreur de l'une ou l'autre partie,
acte délibéré de Saddam Hussein ou bien, pourquoi
pas, des USA dont ce ne serait pas le premier crime écologique.
Au contraire, la presse occidentale va se braquer exclusivement sur les
sources alliées et se faire le porte-voix, plus ou moins forcené,
de cette version alliée. Trois thèmes dans cette "campagne
marée noire": 1. C'est Saddam Hussein. 2. C'est très grave.
3. Le "coup" du cormoran.
Le Temps
25 janvier 91
Deux pétroliers irakiens
endommagés
Nicoste (Reuter) - Deux pétroliers irakiens
ont été touchés par la marine américaine dans
le Golfe, a rapporté hier Radio Bagdad en mettant en garde contre
les risques de pollution.
L'US Navy avait annoncé mercredi soir
avoir gravement endommagé un pétrolier irakien et détruit
trois aéroglisseurs militaires. Selon la marine américaine,
le tanker Al-Mutanabbi était armé de batteries anti-aériennes
et servait de navire d'assistance aux aéroglisseurs.
"Des avions américains ont attaqué
deux pétroliers à 13h40 (10h40 GMT) mardi, et l'agression
a provoqué la fuite d'une énorme quantité de pétrole
dans les eaux du Golfe", a rapporté Radio Bagdad en citant un communiqué
militaire.
La radio a ajouté que la DCA irakienne
avait abattu quatre avions ou missiles ennemis.
Le Temps
26 janvier 91
L'ONU doit enquêter
Tunis, journal Le Temps: La polémique
bat son plein actuellement sur la marée noire qui menace les eaux
du Golfe, chacune des parties américaine et irakienne se rejetant
mutuellement la responsabilité d'une éventuelle "catastrophe
écologique majeure".
En revenant un peu en arrière, on trouve
que les deux parties étaient d'accord sur le fait que les
pétroliers irakiens avaient été touchés par
l'aviation des forces coalisées. En effet Radio Bagdad avait annoncé
le jeudi que deux "pétroliers irakiens ont été touchés
mardi par la marine américaine dans le Golfe" et avait déjà
mis en garde "contre les risques de pollution". L'US Navy a annoncé
pour sa part dès mercredi "avoir gravement endommagé un pétrolier
irakien". Il faudrait ajouter à cela les bombardements aériens
continus et intensifs des forces coalisées contre les positions
irakiennes au Koweït qui auraient très bien pu toucher le port
pétrolier d'El-Ahmadi.
Devant les accusations mutuelles et les propos
contradictoires des deux parties, il est du devoir de l'ONU et des organismes
spécialisés de procéder à une enquête
minutieuse afin de déterminer les responsabilités et de faire
toute la lumière sur cette grave affaire.
1. Qui? "Les Irakiens, bien sûr"...
Nous n'entrerons pas ici dans le débat
"Quelles atteintes à l'environnement peut-on justifier lorsqu'on
se trouve attaqué par une force militaire aussi importante? Peut-on
parler de légitime défense?" Nous nous bornerons à
examiner selon quelles méthodes les médias ont cherché
les responsables de la marée noire.
Le 26 janvier 91, Le Soir donne la parole aux
seuls alliés: "Les Irakiens ont délibérément
laissé le pétrole s'échapper." Le 28, une spectaculaire
première page "témoigne de la gravité prise par la
catastrophe écologique déclenchée par les Irakiens."
(...) En page intérieure, pourtant, huit petites lignes citent les
agences AFP et AP: "Washington et Bagdad se rejettent mutuellement la responsabilité
de la pollution." Mais, apparemment, l'auteur de la une n'a pa lu ces dépêches.
Ou les a oubliées. Aux Américains, on ne laisse que le beau
rôle puisque, heureusement, "le flot de pétrole est ralenti
par les bombes américaines... (qui ont) détruit deux collecteurs
amenant le pétrole vers le terminal koweïtien d'Ahmadi".
"Washington accuse Bagdad de terrorisme écologique":
ce titre du Monde, du 27 janvier, est manifestement partial puisqu'en page
intérieure, "on ne sait pas quelle est la source de cette marée
noire: les Irakiens accusent les Américains et leurs alliés
(...); les Américains accusent les Irakiens d'avoir volontairement
ouvert les vannes du terminal pétrolier d'Al Ahmadi". Pourquoi,
dès lors, n'avoir pas titré: "Bagdad et Washington s'accusent
de terrorisme écologique"?
Les articles mêmes du Monde sont un peu
plus prudents que ceux du Soir. Mais le 27, c'est à George Bush
qu'ils laissent le soin de conclure. Et, le 29, ces articles donnent la
parole exclusivement à des points de vue alliés; certes,
ils n'accusent pas explicitement Saddam Hussein. Mais ils sont "illustrés"
d'une caricature...
La simple décompte quantitatif prouve déjà
l'énorme parti pris: le 26/01, Le Soir consacre 47 lignes à
la version occidentale des faits et... zéro à la version
irakienne. Le 28/01, 51 lignes contre zéro en couverture et 144
lignes contre 8 à l'intérieur. Ces chiffres écartent
les abondantes explications techniques, émanant toutes de sources
occidentales. La proportion est identique dans les télévisions
et à peine meilleure dans le journal Le Monde.
Ainsi, nos médias privilégient
totalement la version de la coalition. Mais, dira-t-on peut-être,
pouvaient-ils faire autrement? Peut-être que d'autres voix ne s'étaient
pas exprimées?
Si. Même aux USA, on avait, avec de solides
arguments, contesté la version officielle. Dès le 26/01,
Michael Skoler, reporter scientifique de National Public Radio, envisageait
"la possibilité que les bombardiers alliés aient contribué
à la pollution pétrolière"
(Boston
Globe, p. 1).
Un
expert de l'Air Force Reconnaissance lui avait déclaré que
"de nombreuses plates-formes pétrolières avaient des fuites
et que de nombreuses raffineries étaient en flammes, probablement
à cause des attaques alliées".
A
Dahran même, un reporter du Los Angeles Times (29/01) établissait
que "l'exploit américain consistant à avoir, par des bombes
bien placées, fermé les vannes libérant le pétrole
de la marée noire, était techniquement impossible".
Ceci
était démontré par Derek Brown, conseiller technique
spécialisé dans la lutte contre la pollution pétrolière
et doté d'une longue expérience personnelle de la technologie
des pipes-lines d'Arabie Saoudite.
Mais ces
informations seront boycottées par les autres médias US et
par les médias européens.
De
même qu'une déclaration intéressante d'un responsable
du Pentagone. Selon lui, si les Irakiens avaient peut-être ouvert
les vannes de la marée qui menaçait l'usine de désalinisation
de l'eau de Safaniya, en Arabie Saoudite, c'était sans doute "en
représailles contre la destruction par les USA de l'usine équivalente
au Koweït"... Pourquoi nous a-t-on caché tout cela?
Silence donc sur les explications irakiennes, mais un article complémentaire entièrement consacré à des citations de Bush: "Saddam utilise des méthodes de malade" (toujours cette approche "pathologique" pour évacuer le débat politique). D'autres quotidiens belges ne tiendront aucun compte des discussions et démentis, persistant à parler de trois nappes ayant pour "cause: les sabotages de l'armée irakienne" (L'Echo, 12/03/91) ou bien des "marées noires démentielles provoquées par Saddam Hussein" (La Dernière Heure, 27/04/91). Même phénomène à RTL (14/09/91) et au Soir (02/09/91).
Les hebdomadaires, bénéficiant de
plus de temps pour vérifier les sources, examiner les arguments
et interroger des experts, etc. ont-ils fait mieux que la presse quotidienne?
Paris-Match a certainement eu le temps de réfléchir puisqu'il
ne parlera de marée noire que le 07/02. Balayant tout doute, il
répète cependant la version officielle: "L'arme de Saddam:
la marée noire (...) Il a inventé le chantage écologique."
Censure
complète sur la version irakienne. Aucune rectification par la suite.
Le Vif-L'Express, prudent, indique au moins trois
sources possibles sans désigner le coupable.
Au journal L'Instant, par contre, c'est "L'environnement,
victime de Saddam... (qui) a franchi un nouveau pas dans l'horreur" (31/01).
Ce
même journal ne consacre pas un instant à montrer la véritable
horreur: les victimes civiles des bombardements alliés, mais s'étend
longuement sur les affres... des Belges qui hésitent à partir
en vacances à l'étranger: "Ce n'est pas forcément
dangereux", rassure L'Instant. Ouf!
2. "La plus grande de tous les temps"
La marée noire a inauguré un nouveau
type de catastrophe naturelle:
la catastrophe
à "intensité variable".
Aussi
longtemps que la thèse "C'est Saddam" a tenu la route, la marée
noire fut "extrêmement grave", voire "la plus grave de tous les temps".
Mais
dès que les responsabilités furent moins claires, et surtout
quand il apparut que les Américains y avaient au moins une grande
responsabilité, ou simplement parce que cette machination n'était
plus nécessaire pour obtenir le soutien à une guerre terminée,
dès ce moment, la catastrophe devint beaucoup plus "raisonnable"...
Des chiffres très variables ont été
avancés selon les médias. Plus tard, le 27/03/91, Le Soir
écrira: "On a parlé tout à tour de 15 000 tonnes,
puis de 8 millions de tonnes, avant d'arriver à un chiffre de "compromis"
autour de 1 million de tonnes."
Trompeur,
le "compromis" du Soir qui se donne un air "neutre" entre les deux exagérations.
Jean
Sparfel, directeur du CEDRE, centre français spécialisé
dans les pollutions de l'eau, revenant d'une mission dans le Golfe, déclarait
à L'Evénement du 21/02/91:
"Selon
toute probabilité, l'étendue de la marée noire a été
grandement surestimée."
La nappe serait
beaucoup moins importante que celle de 1983 (guerre Iran-Irak).
Les
conséquences seront de toute évidence graves, mais nous sommes
loin de la "catastrophe sans précédent" annoncée les
premiers jours".
Conclusion de L'Evénement: "C'est dire
qu'on ne sait vraiment rien.
Pour quelles
raisons les alliés interdisent-ils l'accès de la zone touchée
aux experts?"
3. Un cormoran sans frontières
Nos médias ne nous ont encore montré
aucun cadavre alors que des milliers d'êtres humains sont victimes
des bombardements alliés, mais voici qu'ils font pleurer le monde
entier avec un cormoran englué, qu'ils prétendent victime
de Saddam. Sur l'échelle morale de notre presse, des milliers d'Irakiens
tués ne valent pas un oiseau.
On touche
ici aux limites de l'indécence médiatique et surtout télévisuelle.
Le pouvoir de l'image est dévoyé dans une propagande qui
ne tient plus aucun compte des faits. Les montreurs d'images "superbes"
mentent.
Mais au fait, d'où venait-il ce cormoran?
Comment pouvait-on montrer des côtes engluées de pétrole
alors qu'on annonçait sans cesse que la marée noire "saddamiste"
s'approchait seulement de l'Arabie Saoudite? En fait, on nous montrait,
sans le dire, des images d'autres marées noires. Lesquelles? Ce
point a été (et reste?) fortement controversé. Pour
Jean-Claude Guillebaud (Reporters sans frontières), "nous avons
vu sur nos écrans, le jour même de la marée noire,
des images de cormorans qui étaient prises en Bretagne" (France-Inter,
13/02/91). D'après Il Manifesto (Italie), le cormoran, provenait
de la marée noire due au bombardement d'un pétrolier durant
la guerre Irak-Iran, en 1983. Selon L'Express, ces images, tournées
par la TV britannique ITN, provenaient de la marée noire de Khafji.
On nous affirma d'abord que celle-ci avait été provoquée
par des bombardements irakiens. Plus tard, on sut que ceux-ci étaient
en fait alliés. On dut attendre des mois pour que certaines télévisions
consultent enfin des ornithologues qui déclarèrent que ces
espèces de cormorans ne se trouvaient pas dans le Golfe à
cette saison...
Il est étonnant de voir, plusieurs mois
après les faits, qu'il n'est toujours pas possible de trancher avec
certitude. Cette situation ne rend pas très crédibles les
plaidoyers des médias annonçant qu'après Timisoara
et autres "bavures", on s'efforcerait de mieux appliquer la déontologie
journalistique. Celle-ci ne commanderait-elle pas une enquête appronfondie,
contradictoire et publique?
En l'état actuel des "recherches", la seule
attitude honnête consiste à dire: personne n'a apporté
la preuve que l'Irak a ouvert les vannes du terminal pétrolier,
ou qu'il ne l'a pas fait. Mais personne non plus n'a pu démentir
l'affirmation de Jean-Claude Guillebaud: "On sait maintenant qu'il y a
eu cinq marées noires succesives, échelonnées dans
le temps, et pour quatre d'entre elles au moins, la responsabilité
des alliés est avérée (France-Inter, déjà
cité)."
Donc: cormorans ou pas, le compliment "éco-terroriste"
s'adressait en tout premier lieu, non pas au "maître de Bagdad",
mais à celui de Washington (d'ailleurs responsable également
de dégâts important à l'environnement de l'Irak, notamment
parce que les munitions US abandonnées sur le champ de bataille
contiennent
40 tonnes d'uranium
, ce que révélera l'Independent
on Sunday, 10/11/91, mais que tairont les autres médias occidentaux).
Une fois que ce fut devenu plus ou moins clair,
quel quotidien, quelle chaîne de télé s'occupa de rectifier
et de s'excuser auprès de ses lecteurs, téléspectateurs,
d'avoir passé des images truquées avec des commentaires mensongers,
sans vérifier les sources et sans relater la version opposée?
Lequel indiqua les conséquences que ces manipulations avaient eues
sur l'opinion publique?
Vous connaissez la réponse...
L'affaire du faux cormoran est particulièrement
inquiétante. Elle signifie qu'un appareil de propagande, ici les
"communicateurs" de l'administration américaine, analysant de façon
systématique quelles images peuvent le mieux influencer l'opinion
mondiale dans un sens déterminé (dans ce cas, surtout les
écologistes qui formaient une aile importante du mouvement pacifiste),
est à même de faire diffuser ainsi les images "nécessaires",
en contradiction absolue avec les faits réels, et de les imposer
dans tous les médias du monde.
Quel
pouvoir! n'est-ce pas...
"Je n'ai rien vu"
"J'étais envoyé spécial de l'AFP en Arabie. Nous
avions envoyé un photographe AFP prendre des photos de la marée
noire. Il est revenu: "Je n'ai rien vu". C'était énervant:
la concurence montrait des images de marée noire! Il est donc retourné:
"Je n'ai toujours rien vu, je ne peux pas faire des photos, il n'y a rien!"
Nous avons alors décidé de faire une dépêche:
un témoignage qu'il n'y avait rien, c'était quand même
une info.
J'adore la mer, je me suis promené sur la côte à
Dahran: elle était limpide. Chaque jour, nous faisions une dépêche:
"Elle arrive, elle arrive". Elle n'est jamais arrivée et puis elle
a disparu!"
Source: Ricardo Uztarroz, envoyé spécial
AFP en Arabie. Interview par l'auteur.
Oncle Sam écologiste?
Les Etats-Unis ont lancé cette campagne
sur le thème "Eco-terrorisme". Mais les médias pouvaient
savoir, et dire, qu'Oncle Sam était loin d'être blanc en cette
matière. Dans le tiers monde, l'accusation d' "éco-terrorisme"
lancée contre Saddam Hussein a été accueillie avec
beaucoup de scepticisme par bien des pays: ils ont subi, depuis les débuts
du colonialisme occidental, tant d'agressions contre leurs ressources naturelles
et leur environnement:
essais nucléaires,
accidents de centrales nucléaires, rejet de déchets toxiques,
marées noires, catastrophe de Bhopal (due au non-respect délibéré
des réglements de sécurité par la multinationale
Union
Carbide
), etc.
Un autre fait aurait pu frapper le journaliste
un peu indépendant: pourquoi la Maison-Blanche avait-elle permis
au Pentagone de "déroger" aux obligations légales quant aux
dégâts que peuvent causer à l'environnement ses projets"
(New York Times, 30/01/91)? Sans doute ceci vise-t-il notamment la possibilité
de bombarder les centrales nucléaires irakiennes... Une violation
évidente du 1er Protocole additionnel aux Conventions de Genève
relatif à la protection des victimes des conflits armés
(protocole
que n'ont signé ni les Etats-Unis, ni l'Irak).
D'autre part, l'article 54 de cette même
convention affirme:
"Il est interdit d'attaquer,
de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens indispensables
à la survie de la population civile, tels que... les installations
et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation."
Or,
ceux-ci étaient les "cibles" des bombardements américains.
Quel
média occidental a osé dire que ceci constituait un
crime de guerre au regard de la Convention de Genève?
Effets des défoliants US
au Viêt-nam
"Au cours de la guerre du Viêt-nam, l'armée
américaine se livra à un véritable écocide
en détruisant avec des défoliants d'immenses surfaces de
forêts et de cultures. (...) une catastrophe écologique sans
précédent et en l'occurence délibérée,
puisque plusieurs types d'herbicides y ont été utilisés
à des fins militaires. Pour lutter contre les maquisards Vietcongs,
l'armée américaine répandit dans la période
1962-1971 un volume de 72 355 m3 d'herbicides (...) La surface totale des
forêts détruites fut de 1 434 000 hectares, celle de culture
de 230 000 hectares."
Les forêts pluvieuses tropicales de plaine
de même que les forêts de mousson croissant sur les flancs
des montagnes et des laurisylves furent sérieusement dégradées.
(...) Les forêts détruites par les défoliants ne présentent,
quinze années après, aucune trace de regénération.
Les zones déboisées ont été envahies par des
graminées dédaignées des animaux domestiques. dans
les zones de pente, sur les flancs de montagne totalement déforestés
s'est souvent installée une sévère érosion
des sols. Les mangroves du Sud Viêt-nam, en particulier dans le delta
du Mekong, ont subi des dommages incalculables. Quelques 170 kg de dioxine
contenue dans l'agent orange ont été dispersés à
la surface des sols et dans les eaux. On dénombra dans les populations
victimes de cette contamination un taux anormalement élevé
d'anomalies congénitales chez les enfants nés des femmes
en gestantes au moment des traitements.
Source:
François Ramade, La Catastrophe écologique, Paris, 1987.