Trafics d'organes
Voici au sujet des prélèvements d'organes
un article d'août 1992 du Monde diplomatique
L'IMPLACABLE loi du marché ne connaît pas de limites. Puisqu'il
existe, dans les cliniques et hôpitaux des pays développés,
une importante demande d'organes humains pour greffes et transplantations,
pourquoi ne pas organiser l'offre ? De gré, par l'achat d'un rein,
par exemple, à des miséreux ou de force, par le rapt ou la
fausse adoption d'enfants, revendus pour leurs organes sains... C'est à
de telles abominations que s'emploient, en Amérique Latine et ailleurs,
des réseaux criminels bénéficiant de complicités
à des niveaux élevés des gouvernements qui, des Etats-Unis
à l'Argentine, nient tout en bloc.
Maïté Pinero
En mars dernier, à San-Luis-L'otos (Mexique), M. Librado Ricavar
Ribera, secrétaire général du gouvernement provincial,
annonce l'ouverture d'une enquête sur le trafic d'organes et révèle
que des enfants de la zone de l'Altiplano et des faubourgs de San-Luis
disparaissent ; au bout de quelques semaines, ils sont restitués
à leurs familles après avoir subi l'ablation d'un rein. M.
Ricavar Ribera affirme que les enfants sont emmenés dans des cliniques
à la frontière américaine. Il ajoute que le
même trafic existe dans l'Etat voisin de Tamaulipas, limitrophe
des Etats-Unis. Quelques milliers de dollars achètent le silence
des familles très pauvres. Ce sont des voisins qui accusent.
M. Leonardo Villeda Bermudez, secrétaire de la Junte nationale
du bien-être social révèle :
" Nous avons la preuve que les enfants achetés ou volés
à des familles pauvres étaient vendus, à des réseaux
des Etats-Unis, 10.000 $ au minimum pour servir de donneurs d'organes."
Au Mexique, les accusations s'accumulent. Le 24 juin 1989, la correspondante
à Puebla du Journal
" El Universal " dénonce l'enlèvement de trois enfants
et précise : " Dans un village situé sur les berges du rio
Cuichal, un enfant a été enlevé. Il a été
retrouvé quelques semaines plus tard à
Tlalauquitepec, à 50 kilomètres de son domicile. Il avait
été opéré et il lui manquait un rein ; il est
hospitalisé à Puebla." Le journaliste ajoute : " Le manque
de noms et de prénoms est dû à la panique
qui s'est emparée des familles ; les gens ont refusé
de me donner des renseignements plus précis par peur des représailles."
En février 1992, en Argentine, le ministre de la santé a reconnu que le directeur de la clinique psychiatrique Montes-de-Oca, située près de Buenos-Aires, prélevait effectivement du sang et des organes, des cornées notamment, sur les malades. L'enquête se poursuit.
Le massacre des " jetables "
Après l'Argentine, vint le tour de la Colombie. Début mars 1992, éclate une épouvantable affaire digne du docteur Frankenstein ; dans l'amphithéâtre de la faculté de médecine de Barranquilal sont retrouvés dix cadavres d'indigents, dont celui d'une adolescente de quinze ans, et les restes de quarante autres personnes. Les gardiens de la faculté assommaient les mendiants à coups de batte de base-ball. Les victimes, plongées dans le coma n'étaient achevées qu'après extraction de leurs organes les plus rentables qui étaient écoulés sur le marché noir. Les corps étaient ensuite utilisés pour les travaux pratiques des cours d'anatomie ou jetés dans les décharges.
Maïté Pinero