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Ces conflits qui persistent

Empreinte paramilitaire sur la Colombie

Alors qu'il négocie avec les paramilitaires d'extrême droite, le président Alvaro Uribe Vélez refuse tout dialogue avec le plus important des mouvements d'opposition
armée. Soutenu par Washington, pour qui la Colombie constitue une pièce maîtresse de l'échiquier géopolitique régional.

Trois millions et demi de déplacés à l'intérieur du pays, 8 000 homicides par an pour des raisons politiques et sociales, des centaines de disparitions... Tandis que le pouvoir contrôle Bogotà et les grandes villes, les campagnes demeurent fragmentées en une série de territoires sous influence des guérillas, Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l'Armée de libération nationale (ELN), ou des paramilitaires d'extrême droite, Autodéfenses unies de Colombie (AUC).
Alléguant être confronté au "terrorisme" des guérillas, le président Uribe nie l'existence d'un conflit armé, ce qui lui permet de ne pas appliquer les traités internationaux à caractère humanitaire.
Arrivé au pouvoir sur une ligne dure, "en finir avec la guerre" sans négocier avec l'opposition armée, Uribe a, en dépit de l'aide massive des USA, perdu son pari. En six ans, Washington a fourni à Bogotà 3,6 milliards de dollars d'aide militaire dans le cadre du plan Colombie. Camouflé derrière la fiction de la lutte contre le narcotrafic, celui-ci a révélé son véritable objectif : anéantir les guérillas. Outre la fourniture de matériels, d'armement, et la formation de nouveaux bataillons d'élite, le commandement sud de l'armée des USA a déployé 800 militaires américains, qu'assistent 600 hommes de compagnies militaires privées dans le pays andin.
Depuis mars 2004, 18 000 soldats colombiens encadrés par leurs conseillers américains sont mobilisés dans la plus grande opération militaire jamais lancée contre les FARC : l'opération "Patriote". Celle-ci concentre ses efforts dans les régions du Sud, Caqueta, Meta, Guaviare et Putumayo, où opèrent les blocs sud et est de l'organisation armée. Malgré la construction d'imposantes bases militaires et la multiplication des opérations anti-insurrection, les FARC, après avoir effectué un "repli stratégique", mais nullement affaiblies, ont relancé une série d'offensives meurtrières à partir de février 2005.
Selon un plan militaire de même type, l'opération "Escudo" a déployé des troupes le long de la frontière vénézuélienne (provoquant l'inquiétude à Caracas), dans la juridiction d'Arauca et dans le Nord-Santander.
Cette politique de "sécurité démocratique", qui n'a en rien réglé le conflit, a en revanche gravement affecté la population. En témoignent la répression menée contre le mouvement social et les syndicats, la création d'un réseau d'informateurs d'un million de personnes et de plusieurs dizaines de milliers de "soldats-paysans", ainsi que l'instauration de zones de réhabilitation, sous direction militaire, où les droits des citoyens sont restreints.
 

"JUSTICE ET PAIX"

S'il refuse toute discussion avec les FARC, et à un degré moindre avec l'ELN, le gouvernement négocie, depuis décembre 2002, avec les paramilitaires, auxiliaires de l'Etat étroitement liés à l'armée, aux grands propriétaires et, plus que tout, au narcotrafic. Malgré l'inexistence d'un cadre légal, 4 000 paramilitaires avaient déjà été démobilisés lorsque, le 22 juin 2005, la Chambre des représentants a approuvé la loi dite de "justice et paix". Critiqué tant par les organisations de défense des droits de la personne que par les Nations unies, ce texte élude le problème du narcotrafic, légalise les grandes fortunes des seigneurs de la guerre qui lui sont liées, et établit une impunité de fait sur les milliers de crimes des AUC (Autodéfenses unies de Colombie).

Les chefs des AUC ne cachent plus leur intention d'entrer en politique. Même les Américains s'inquiètent de la large impunité promise à ces hommes accusés de crimes atroces et de trafic de drogue. Source : Le Monde, Hors série, Bilan du monde 2006.

D'après la Commission colombienne des juristes, pour la seule période de décembre 2002 à juin 2005 (en pleine négociation de "paix" !), les paramilitaires sont responsables de 1 900 morts ou disparus. Par ailleurs, opérationnels ou "démobilisés", ils détiennent une influence politique, sociale et économique sur 1/3 des municipios du pays. Les pressions qu'ils exerceront, à travers les dictatures locales et les pouvoirs mafieux qu'ils ont mis en place,joueront un rôle capital pour favoriser la réélection à la présidence de M. Uribe, lors de l'élection du 28 mai 2006, à laquelle une réforme de la Constitution lui permet de se présenter.

Il est tout à fait déplorable que la Belgique retire son ambassade de Colombie, pour des raisons budgétaires. (Note du C.A.R.L.)

Sur la Toile

Source : L'Atlas du Monde diplomatique, Hors-série 2006

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