Planète en danger
La lutte contre la faim, un échec programmé
Le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde s'élevait en 2002 à 852 millions. En cinq ans, ce chiffre a grimpé annuellement d'environ 4 millions, et, sans un changement radical de cap, le premier objectif du millénaire, réduction de moitié entre 1990 et 2015 de la proportion de la population souffrant de la faim, ne sera pas atteint. Les raisons de cet échec programmé sont connues.
Chaque année, plus de 20 millions d'enfants naissent victimes d'insuffisance pondérale dans les pays en voie de développement. La croissance d'un enfant sur trois y est altérée à cause d'une sous-alimentation chronique et, pour ces enfants, les dommages infligés sont qualifiés d'irréversibles. Selon l' Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), "Les urgences alimentaires sont de plus en plus nombreuses depuis deux décennies. Durant les années 1980, on en comptait une quinzaine par année ; depuis le tournant du millénaire, la moyenne est passée à plus de 30. Cette augmentation touche surtout l'Afrique. Où les crises alimentaires sont presque trois fois plus fréquentes".
Parmi les causes naturelles, la sécheresse
vient en premier. En effet, un bon accès à l'eau accroît
les rendements agricoles et permet aux populations un meilleur accès
à une nourriture décente : dans le monde, les 17% de terres
agricoles irriguées produisent 40% des denrées alimentaires
totales. D'autres raisons comme les innondations, le gel ou des invasions
de criquets pèsent aussi sur la situation. Mais les causes humaines
(conflits, déplacement de population, décisions économiques)
interviennent de plus en plus souvent, et sont responsables de plus de
35% des urgences alimentaires en 2004 contre seulement 15% en 1992. Pour
la FAO, "très souvent, les facteurs d'origine humaine et naturelle
se renforcent les uns les autres, engendrant les crises les plus graves
et les plus longues. Entre 1986 et 2004, 18 pays étaient "en crise"
plus de la moitié du temps et, dans tout les cas, la guerre ou les
bouleversements économiques et sociaux avaient soit provoqué,
soit aggravé la situation".
Sur le plan économique, les orientations
néolibérales, imposées par le Fonds monétaire
international (FMI) et la Banque mondiale avec l'assentiment des dirigeants
locaux, portent une forte responsabilité dans la montée de
l'insécurité alimentaire, en exigeant la suppression des
subventions aux produits de première nécessité et
en dirigeant en priorité les richesses produites vers le remboursement
de la dette extérieure. La libéralisation brutale des économies
des pays en voie de développement, érigée en dogme
dans les "plans d'ajustement structurel" de l'Organisation mondiale du
commerce (OMC), contribue à désorganiser la production agricole
au Sud. La situation est aggravée par les subventions agricoles
des pays du Nord et les règles inégales du commerce mondial.
De plus, l'aide extérieure à l'agriculture a fortement chuté
en termes réels depuis 1980 : pour l'Afrique, l'aide extérieure
par personne employée dans l'agriculture n'est plus que le quart
de ce qu'elle était en 1982. Surtout, elle est, allouée par
les donateurs en fonction de critères géostratégiques
et ne profite pas aux pays qui en auraient le plus besoin.
Une production en recul
L'extension du Sida est aussi un facteur déterminant.
En Afrique australe, au moins une personne sur cinq travaillant dans le
secteur agricole décédera avant 2020, ce qui menace fortement
l'accès à la nourriture des habitants de la région.
En conséquence, la croissance de la production agricole et animale
dans le monde a ralenti depuis quelques années, et, selon la FAO,
"le
faible taux de croissance en 2002, moins de 1% au niveau mondial, implique
une réduction de la production par habitant". L'Afrique subsaharienne
est dans une situation critique, étant "la seule région
où la production vivrière par habitant n'a pas augmenté
au cours des 30 dernières années. Après un déclin
marqué dans les années 1970 et au début des années
1980, celle-ci a stagné et se trouve encore aux niveaux enregistrés
voilà 20 ans". L'exemple caricatural est donné par la
République démocratique du Congo. Dans ce pays riche en ressources
naturelles, 71% des habitants souffrent de la faim. Sur les 35 pays qui
font face à de graves pénuries alimentaires, 24 sont en Afrique,
ce qui révèle l'échec du modèle actuel.
Sur la Toile