Une nouvelle géopolitique
ONG : vers une société
civile globale
Les grands forums altermondialistes ont rendu
visibles des formes originales de mobilisation sociale, les organisations
non gouvernementales (ONG), très diverses, jouent un rôle
de premier plan dans ce processus sans qu'on puisse les assimiler à
ces "nouveaux mouvements sociaux"
qui se reconnaissent dans l'altermondialisme.
Depuis leur intervention remarquée au Sommet
de la Terre organisé par les Nations unies en 1992, les ONG ont
été présentées comme l'ébauche d'une
société civile globale. La dénomination "organisation
non gouvernementale" vient du vocabulaire onusien : c'est une définition
en référence aux Etats et aux organisations internationales
"gouvernementales" qui constituent la base du système onusien (voir
l'article : "L'unilatéralisme menace les Nations unies). Le dernier
quart du XXème siècle a vu le développement considérable
de ces mouvements, supposés indépendants des Etats, et aussi
le plus souvent des partis politiques.
Les ONG sont d'abord des associations plus ou
moins spécialisées (aide humanitaire d'urgence, développement,
défense des droits humains, environnement, paix, etc.), qui peuvent
être des groupes experts aux effectifs limités ou des mouvements
de masse, parfois les deux. Beaucoup d'ONG, nées dans un pays particulier,
ont développé leur action à travers des partenariats
internationaux (par exemple, en France, le Comité catholique contre
la faim et pour le développement, CCFD). Certaines se sont organisées
d'emblée ou progressivement au niveau mondial (par exemple, Amnesty
international). Ces dernières sont des ONGI, c-à-d des "ONG
internationale".
La notion d'ONG recouvre donc une grande variété de groupes. Dans de nombreux pays où la liberté d'organisation est une conquête récente ou partielle, elle a pris la signification "d'association" au sens le plus large, et non dans l'acception onusienne et spécialisée. Mais le développement d'un espace mondial d'action et de financement de projets associatifs a entraîné la prolifération de fausses ONG : des Gongos organisées par les Etats ("G" pour gouvernement) ; des Mongos organisées pour des buts lucratifs voire mafieux ("M" pour mafia) ; ou des Fongos organisées par des financeurs étrangers ("F" pour foreign). Cependant, parmi les financeurs interviennent également des fondations à but non lucratif, qui se réclament parfois de l'éthique des ONG (ainsi des fondations américaines comme Ford ou l'Open Society de George Soros).
Depuis le premier Forum social mondial de Porto Alegre (2000), on évoque aussi l'émergence d'un "nouvel internationalisme" de mouvements sociaux aux relations complexes avec les ONG. La notion de "mouvement social" fait référence à des phénomènes de masse, propres à chaque société, de groupes unis par un ou plusieurs objectifs et s'érigeant en acteurs du champ politique national ou international. Des ONG sont parfois directement parties prenantes des mouvements eux-mêmes (ONG de masse) ; elles peuvent être en position d'experts sympathisants ou de parasitisme (Gongos, Mongos). Mais parfois encore elles restent limitées à leur champ propre sans interactions avec les mouvements. L'action mondiale des ONG peut tout aussi bien s'apparenter à une véritable solidarité internationale, à une forme de néo-apostolat laïque ou à une politique d'influence classique (lobbying).
+ 50% en 10 ans
L'Observatoire de la société civile
mis en place par la London School of Economics publie avec l'université
de Californie de Los Angeles un rapport annuel sur la "société
civile globale". Il a constaté que les effectifs déclarés
des principales ONGI dans le monde ont augmenté, entre 1993 et 2003,
de 50% et que le nombre de leurs bureaux est passé de 12 547 en
1993 à 17 952 en 2003.
La prépondérance des pays riches
demeure réelle (53% des effectifs et 82% des bureaux en 1993, 38%
des effectifs et 83% des bureaux en 2003).
Mais c'est aujourd'hui en Europe de l'Est, Asie
centrale ou Asie du Sud que les ONG connaissent la plus forte croissance,
tandis que le Proche-Orient et l'Afrique du Nord demeurent à la
traîne. Les ONG du "Sud", asiatiques et latino-américaines,
parfois africaines, ont profité des forums sociaux et de certaines
campagnes (comme celle de Jubilée Sud pour l'annulation de la dette)
pour acquérir une visibilité croissante. La présence
massive des dalits - intouchables - indiens fut également
un des traits marquants du Forum social mondial réuni à Bombay
(Mumbai) en 2004.
Exemples de dons problématiques pour les ONG
Arménie : tremblement de terre, 1988 :
Sur 5 000 tonnes de médicaments et de
fournitures médicales envoyés pour une valeur de 55 millions
$, 8% étaient périmés et 4% inutilisables. Sur les
88% restants, 58% étaient inappropriés.
Erythrée : guerre d'indépendance,
1989 :
Six mois ont été nécessaires
pour brûler sept chargements de comprimés d'aspirine périmés.
Par ailleurs, les autorités ont reçu un conteneur entier
de médicaments cardio-vasculaires non demandés à deux
mois de leur date de péremption, et 30 000 bouteilles d'un demi-litre
de perfusion amino-acide périmée qui n'ont pu à ce
jour être éliminées.
France, 1991 :
Sur 4 000 tonnes de médicaments collectés,
seuls 20% ont été utilisés dans le cadre de programmes
d'aide.
Bosnie-Herzégovine, 1992-1996 :
Durant ces quatre années, la Bosnie-Herzégovine
a reçu 17 000 tonnes de médicaments inadaptés dont
l'élimination a coûté 34 millions $.
Indonésie, province d'Atjeh, tsunami, 2004
:
Sur 4 000 tonnes de médicaments reçus,
622 ont dû être détruits ; 60% étaient non conformes
et 25% périmés.
Sources : Annexe du rapport "Principes directeurs
applicables aux dons de médicaments", Organisation mondiale de la
santé (OMS), avril 1999 ; Pharmaciens sans frontières, comité
international.
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