La planète en danger
Le point de non-retour du réchauffement
Avec l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto le 16 février 2005, cette année marquerait l'an 1 d'un nouvel âge de maturité. L'humanité aurait pris conscience des pressions croissantes qu'elle exerce sur l'environnement. Voilà qui tient plus du discours convenu que de la réalité.
Ces dernières années, les prévisions
sur le réchauffement climatique sont plus alarmistes. Le rapport
de 2001 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution
du climat (GIEC) avait confirmé que l'effet de serre s'était
considérablement accru depuis le XIXe siècle. Ainsi, les
rejets de CO2 ont contribué à une hausse de température
planétaire de 0,8°C entre 1860 et 2000. Ce même rapport
prévoyait que le réchauffement risquait de s'accroître
encore de 1,4 à 5,8°C entre 2000 et 2100, une augmentation considérable,
sachant que, lors de la dernière glaciation, il y a
15 000 ans, la planète était globalement
plus froide d'environ 5°C.
Fondée sur 2 578 simulations, une étude
publiée par l'université d'Oxford en 2005 envisage un réchauffement
encore plus important : entre 1,9 et 11,5°C, la majorité des
résultats se situant entre 2 et 8°C. Le plus inquiétant
est l'idée de "point de non-retour". En effet, en raison
de l'inertie climatique, même si des mesures drastiques sont prises
aujourd'hui, les perturbations se feront encore sentir pendant des années,
et pourraient même devenir irréversibles. Un consensus se
fait jour selon lequel ce seuil critique pourrait correspondre à
un réchauffement de 2°C. Pour l'éviter, il faudrait que
la concentration en CO2 n'excède pas 550, voire 400 ppm (parties
par million). Or, celle-ci est passée de 270 ppm vers 1850 à
380 ppm en 2005, une hausse sans équivalent dans les 420 000 années
de l'histoire du climat que l'on a pu reconstituer, au cours desquelles
la concentration en CO2 a varié entre 180 et 280 ppm. Avec un rythme
d'accroissement actuel de plus de 2 ppm par an, un seuil critique pourrait
être atteint d'ici 10 à 30 ans. Et il faudrait d'ores et déjà
préparer une division des émissions de CO2 des pays industrialisés
par quatre vers 2050.
Un faisceau de présomptions
Certes, ces prévisions n'ont pas le caractère de certitudes, mais l'importance des risques et le consensus scientifique grandissant invitent à appliquer au plus vite le principe de précaution et à mettre en oeuvre des mesures efficaces. Or, que permettra le protocole de Kyoto s'il est mis en oeuvre intégralement, c'est-à-dire si les USA le ratifient et si les Européens tiennent leurs objectifs ? Il ne freinera le réchauffement prévu à l'horizon 2100 que de 0,06°C, c'est-à-dire de 2% ou 3%. De surcroît, il n'impose aucune limite aux rejets des pays du Sud, qui ambitionnent légitimement de "rattraper" l'Occident. L'échec, fin 2005, des négociations de la conférence de Montréal, qui devait préparer l'après-Kyoto, montre l'ampleur des blocages.
Et pourtant, même si les pronostics restent
incertains, les signes de perturbation s'accumulent. Ainsi, les années
1995-2005 sont les plus chaudes observées depuis l'existence de
relevés réguliers au XIXe siècle. En outre, cette
période a été marquée par un accroissement
des phénomènes extrêmes : plus grande fréquence
et intensité d'El Nino, canicule de 2003 qui pourrait devenir cyclique,
nombre sans précédent de typhons tropicaux aux USA et en
Asie en 2004 et 2005. Evénements conjoncturels ? Les faisceaux de
présomptions et de probabilités paraissent de plus en plus
convergents et corrélés.
Par ailleurs, plusieurs phénomènes
structurels se confirment, même si leurs conséquences peuvent
difficilement être anticipées avec précision. Outre
le réchauffement dans les régions polaires (voir : accélération
de la fonte des pôles Nord et Sud), l'augmentation de la température
a un effet destructeur sur les coraux, milieu vital de la vie marine. Il
pourrait aussi provoquer par dilatation des océans une montée
du niveau des eaux de 25 cm à 1 m, sans compter les éventuelles
fontes aux pôles. Des études envisagent de 80 à 400
millions de "réfugiés du climat" d'ici à 2050. Les
perturbations dans les précipitations devraient retentir sur l'agriculture
comme sur les aires de propagation des maladies, etc. Les conséquences
sur la biodiversité risquent également d'être gravissimes,
du fait de la difficulté de nombreuses espèces à s'adapter
à des changements aussi rapides, d'autant que, par les destructions
et pollutions classiques, l'être humain est déjà devenu
le responsable de la sixième des grandes phases d'extinction biologique
qu'a connue la planète.
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