La planète en danger
Le Sud dépend de ses exportations
La forte hausse des cours des matières premières depuis 2004 n'a pas compensé leur baisse depuis la fin des années 1970. Mais, comme le montrent les négociations à l'OMC, les pays du Sud, bien que très dépendants de leurs exportations et surendettés, se soumettent de moins en moins facilement aux exigences des pays riches.
Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), la structure des exportations des pays en voie de développement (PVD), considérés dans leur ensemble, a beaucoup changé au cours des deux dernères décennies. Actuellement, environ 70% de leurs exportations sont des articles manufacturés, surtout en provenance des pays d'Asie, alors qu'il y à 20 ans les produits de base en représentaient les trois quarts. Ces chiffres occultent toutefois d'importantes différences entre régions : l'Afrique n'a guère bénéficié de l'explosion des exportations d'articles manufacturés, puisque la part de celle-ci dans ses exportations totales ne dépasse pas les 30% en moyenne contre 20% en 1980.
Orientés à la hausse depuis 1960,
les prix réels des produits de base amorcent, à partir de
1974, une baisse irrégulière, avec des périodes d'effondrement
suivies de pics plus court. Conséquence de la crise en Asie, la
période 1997-2001 est marquée par une chute globale des cours,
de près de 53% en valeur réelle. Les produits de base perdent
alors de facto plus de la moitié de leur pouvoir d'achat par rapport
aux articles manufacturés.
La raison principale de cette baisse est la saturation
des marchés. Devant l'explosion de leur endettement dans les années
1960 et 1970, les pays du Sud ont été contraints d'exporter
de plus en plus pour acquérir les devises nécessaires aux
remboursements. Se spécialisant dans deux ou trois produits de base,
dont ils devenaient fortement dépendants, ils se sont concurrencés
entre eux, provoquant l'effondrement des cours. Cela a joué un rôle
fondamental dans la crise de la dette, qui a permis aux détenteurs
de capitaux et aux sociétés multinationales d'établir
leur hégémonie sur l'économie mondiale. Les "programmes
d'ajustement structurel" (PAS), imposé depuis plus de 25 ans aux
pays surendettés, ont encore accru leur dépendance à
l'égard des produits de base, donc leur vulnérabilité
économique, notamment en démantelant les systèmes
de régulation des cours.
Subventions abusives
Pour les produits agricoles, la variabilité importante des cours s'explique tout autant par les conditions météorologiques et naturelles que par l'instabilité politique (le cour du cacao s'élève, fin 2002, suite aux événements en Côte d'Ivoire) ou l'arrivée de nouveaux pays producteurs (comme le Vietnam pour le café). Mais c'est la pratique abusive des subventions agricoles des USA et de l'Union européenne (par exemple pour le coton, le sucre ou la viande) qui entraîne l'échec de la conférence de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de Caucun en septembre 2003. Ainsi les USA sont le premier exportateur mondial de coton du fait de l'ampleur considérable des subventions versées (près de 4 milliards de dollars en 2004). Pourtant, selon le Comité consultatif international du coton, le coût de production d'une livre de coton est de 0,21 $ au Burkina Faso, contre 0,73 $ aux USA. Les conséquences sur le développement humain sont immédiates : au Bénin, par exemple, la baisse des cours du coton (-35% en 2001) a entraîné une hausse de la pauvreté de 4%. Par ailleurs, les droits de douane appliqués par les pays riches sont quasiment nuls pour les produits bruts, ce qui dissuade les pays du Sud de diversifier leur économie en élaborant des produits transformés.
La hausse soutenue du cours des principales matières
premières depuis 2004 découle aussi bien de l'expansion considérable
de la demande chinoise que d'une spéculation financière accrue
et, pour le pétrole, de l'instabilité politique en Irak (suite
à l'intervention militaire des USA et de leurs alliés). Mais,
en cas de ralentissement soudain de l'activité économique
aux USA ou en Chine, il se peut que le schéma des années
1980 se répète.
Alors que les pays riches continuent de profiter
de leur maitrise des circuits financiers et de transport, le dossier des
matières premières agricoles reste au coeur des négociations
Nord-Sud. L'apparition à Caucun d'un groupe actif de pays émergents
(G20) a mis en difficulté les USA et l'Europe. Mais l'action du
G20 risque de marginaliser les pays les plus pauvres, africains en particulier,
dont l'enjeu premier est de conquérir leur souveraineté alimentaire.
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