Bush... et les médias bombardent à nouveau l'Irak
Le 13 janvier 1993, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne
bombardaient le sud de l'Irak: 19 morts et 15 blessés, militaires
et civils, selon le bilan de Bagdad. Le 17 janvier, les USA bombardaient
encore une usine de machines-outils de Bagdad ainsi que l'hôtel Al
Racheed où se tenait une réunion internationale de solidarité
islamique avec l'Irak (2 tués, 15 blessés, civils).
Depuis quelques semaines, le gouvernement américain préparait
l'opinion en dénonçant les "provocations" irakiennes. Thèse
relayée sans aucun esprit critique par les médias dominants
français et belges. Le Monde parlait de "défis irakiens",
"longue série de provocations" (08/01/93), "nouvelles provocations
de Saddam Hussein" (12/01/93). Le Soir en rajoutait: "Offensive verbale
de l'Irak" (08/01/93) "Bagdad multiplie à l'envi les provocations"
(12/01), "Saddam s'évertue à provoquer", "L'Irak choisit
clairement la surenchère" (13/01). Comme en 1990, les rôles
de provocateur et de victime sont inversés.
La couverture de cette affaire repose sur quatre médiamensonges
principaux:
1. Les médias présentent les bombardements US comme une
mise en oeuvre des résolutions de l'ONU pour faire respecter les
"zones d'exclusion aérienne" imposées à l'Irak sur
son propre territoire. En réalité, ces zones, décidées
unilatéralement par les alliés,
n'ont
jamais été soumises à la moindre discussion de l'ONU.
2. Les médias justifient les bombardements
par de précédentes "provocations" irakiennes: des incursions
commises en territoire koweïtien. En vérité, il s'agit
d'un retrait de matériel situé en territoire enlevé
à l'Irak.
Retrait effectué sur
ordre des Nations unies elles-mêmes!
3. Les médias cachent le fait que la résolution
688 de l'ONU excluait l'usage de la force (et même toute action).
4. Selon une vieille habitude, un objectif industriel
civil est baptisé "objectif militaire nucléaire". En dépit
de nombreux rapports d'experts occidentaux affirmant le contraire.
Une fois encore, les médias ont préparé
psychologiquement l'opinion publique à accepter une agression militaire.
N.B.
Merci à Nathalie Caprioli
qui a préparé l'étude de la presse sur ces bombardements.
Zone "d'exclusion aérienne"? L'ONU n'a jamais été consultée!
LE SOIR, 19 janvier 1993
Saddam Hussein, loin d'avoir compris la leçon,
continue à privilégier l'escalade. Si le dictateur irakien
persiste ainsi dans la provocation, il s'agira pour le nouveau président
américain de (...) faire respecter la volonté des Nations
unies, et en particulier, une zone d'exclusion aérienne couvrant
les populations menacées...
L'éditorialiste du Soir cache ceci: ces
zones d'exclusion ont été décidée unilatéralement
par les USA, la France et la Grande-Bretagne, sans que jamais l'ONU les
reconnaisse, ni même ne soit appelée à en discuter.
Au moment où l'agression américaine a commencé, le
Conseil de sécurité ne s'était même pas encore
réuni.
A une autre page, le même journal doit
d'ailleurs admettre: "Il est vrai que Bagdad peut faire valoir l'abscence
totale de couverture légale à propos de ces zones interdites
de survol par les alliés."
Aucun média ne montre que le prétexte
de défendre les populations locales masque un dessein néo-colonial
de diviser et de déstabiliser l'Irak.
Le Monde, 8 janvier 1993
"Longue série de provocations: telles,
depuis une dizaine de jours, les incursions d'avions de combat irakiens
dans cette zone (d'exclusion)."
Cette "zone" fait partie de l'Irak. Comment des
avions irakiens pourraient-ils faire "incursion" dans leur propre
pays?
"Incursions"... sur ordre de l'ONU?
Le Monde , 12 janvier 1993
Les Irakiens ont fait des incursions au Koweït. Par ces nouvelles provocations, le régime de M. Saddam Hussein entend montrer le peu de cas qu'il fait des résolutions de l'ONU.
CNN , 13 janvier 1993
CNN a obtenu une copie de la lettre du chef militaire
des Nations unies chargé de contrôler la zone frontière
entre l'Irak et le Koweït. La lettre, adressée au major-général
irakien (...)
ordonne à l'Irak d'enlever dans les prochains jours
tous leurs matériels de l'ex-base navale irakienne.
La lettre dit que le retrait doit être
terminé pour le 15 janvier.
LE SOIR, 14 janvier 1993
Incursion de quelque 200 soldats irakiens habillés en civil, près de la ville d'Oum Qasr, dans la zone démilitarisée au nord du Koweït. Ils s'emparent d'armes irakiennes (dont des missiles Silkworm) entreposées dans des caches pendant la guerre du Golfe. (...) Bagdad affirme que l'incursion du 10 janvier s'était effectuée dans le respect d'un accord conclu avec l'ONU.
. Après la guerre du Golfe, l'ONU a obligé l'Irak à céder au Koweït une partie de son territoire, baptisée "zone démilitarisée". Par leur vocabulaire agressif, les médias cachent que les Irakiens sont venus "récupérer" (et non "s'emparer de") ce matériel dans un territoire irakien. Et surtout on dissimule qu'ils n'ont fait qu'appliquer les ordres mêmes de l'ONU! Le lendemain, Le Monde doit admettre que "le Conseil de sécurité aurait jugé le dossier des deux incursions quelque peu ambigu".
LE VIF L'EXPRESS, 22 janvier 1993
David Kyd, spécialiste de l'Agence internationale de Vienne, était formel. L'usine Al-Nida, déjà inspectée quatre fois, avait la capacité de fabriquer des éléments liés à un programme d'armement.
. Qu'a vraiment déclaré David
Kyd?
"L'installation irakienne touchée par
des missiles de croisière américains était
"absolument
neutralisée"
, a déclaré
dimanche soir à Vienne David Kyd, porte-parole de l'Agence internationale
pour l'énergie atomique, (...)
ce centre
lié au programme nucléaire irakien avait été
visité par des inspecteurs de l'ONU et ne produisait plus de composants
électroniques pour l'enrichissement de l'uranium."
Source: Dépêche Associated Press,
17 janvier 1993.
L'usage de la force était
interdit
Des civils irakiens ont été tués
par les bombardements alliés sans qu'aucun média pose la
question: les Etats-Unis et leurs alliés ont-ils le droit d'employer
la force? Oubliées les solennelles proclamations sur le respect
du "droit international". Or, la situation juridique était ici incontestable:
La Résolution 688, adoptée le 5
avril 1991, critiquait l'Irak pour "la répression de la population
civile irakienne dans de nombreuses parties de l'Irak, notamment tout récemment
dans les régions à population kurde". La résolution
se terminait par huit paragraphes "pratiques":
"1. Condamne l'Irak pour la répression.
2. Exige que l'Irak mette fin à la répression. 3. Réclame
un accès immédiat pour les organisations humanitaires internationales.
4. Demande au secrétaire général de l'ONU de faire
un rapport. 5. Appelle les Etats membres à contribuer à l'aide
humanitaire.
7. Exige que l'Irak coopère à cet
égard avec le secrétaire général de l'ONU.
8. Décide de maintenir l'affaire à son agenda."
Nulle part, n'est prévu le droit de
recours à la force, d'ailleurs explicitement interdit par la Charte
de l'ONU (art. 2, § 7).
Même si les actions de l'Irak avaient
été interprétées comme des menaces pour la
paix (ce qui ne fut pas le cas), l'action militaire (et même le survol
de l'Irak par les alliés!) exigeait une nouvelle résolution
du Conseil de sécurité. Aucune résolution de ce genre
ne fut adoptée dans ce cas.
L'agression militaire alliée
était donc complètement illégale.
Clinton bombarde l'Irak
Le 26 juin 1993, le président Clinton faisait
bombarder Bagdad par 23 missiles Tomahawk.
(Petit
détails, un missile Tomahawk coûte 40 millions de FB!, 1 million
d'Euros! multipliez cette somme par 23, tout ce que l'on pourraît
faire de constructif et de positif avec cette somme! Note du C.A.R.L.).
Huit civils étaient tués dont Layla Attar, artiste peintre
célèbre et conservatrice du musée d'art moderne de
Bagdad.
Selon Clinton et les médias, ils s'agissait
de "missiles de représailles" contre le complot fomenté par
l'Irak pour assassiner George Bush en avril 93. Sans entrer dans la question
de la culpabilité ou non des 14 personnes arrêtées,
il faut cependant, à l'inverse des médias, soulever plusieurs
remarques importantes:
1. Pourquoi l'Irak aurait-il ainsi compromis
ses chances de faire lever l'embargo qui le frappe?
2. La source des informations sur le "complot",
c'est le ministre koweïtien de l'Information. Précédemment,
ce personnage était ambassadeur à New York. A ce titre, il
fît mentir sa fille de 15 ans pour fabriquer le célèbre
médiamensonge des couveuses. Signaler au public la qualité
de cette source aurait fait s'effondrer la crédibilité du
complot.
Les médias ne l'ont pas fait.
3. Clinton a fait bombarder avant qu'un procès
ait jugé si les accusés étaient coupables. C'est faire
lui-même bien peu de cas de la justice koweïtienne (qui depuis
a d'ailleurs suspendu le procès sine die).
4. Que valaient les preuves du complot rassemblées
par les USA? Dès le premier jour, pour le ministre belge des Affaires
étrangères, elles étaient "manifestement irréfutables".
Aucun média ne lui rappela qu'on avait dit la même chose des
"photos-satellites prouvant la menace irakienne sur l'Arabie" en 1990 (voir
chapitre) et de tant d'autres "preuves" US... Quelques mois plus tard,
le célèbre journaliste américain Seymour Hersh présentait
sept témoignages différents d'experts en explosifs: les bombes
"typiquement irakiennes" ne l'étaient nullement!
5. A supposer que les Irakiens aient vraiment
voulu tuer Bush et qu'on puisse bombarder Bagdad pour une telle tentative
d'assassinat sur un chef d'Etat, combien de "missiles de représailles"
faut-il envoyer sur Washington étant donné que les Etats-Unis
non seulement ont tenté d'assassiner Saddam Hussein, ont fait assassiner
Trujillo en République Dominicaine, Lumumba au Congo (avec la collaboration
du gouvernement belge), renverser Allende au Chili, qu'ils ont bombardé
Tripoli pour tenter de tuer Kadhafi, que le Sénat US a officiellement
reconnu six tentatives pour faire tuer Fidel Castro?
Six semaines plus tôt, Le Soir écrivait:
"S'il se vérifie que l'attentat projeté contre George Bush
lors d'une récente visite au Koweït était bien d'inspiration
irakienne, Saddam Hussein aura donné un nouvel argument pour prolonger
plus encore les sanctions économiques." Le "si" hypocrite cache
mal la manoeuvre. A chaque fois que l'embargo semble pouvoir être
levé, les services occidentaux sortent ce genre de "révélations"
pour le maintenir.
Devant une telle régularité un
journaliste honnête devrait avoir la puce à l'oreille, non?
De tels articles ont servi de préparation psychologique au bombardement
de juin 1993.
Les médiamensonges tuent...
Infos enterrées
La guerre contre l'Irak continue. La guerre médiatique aussi. Quelques exemples d'infos enterrées...
676 milliards de dollars, c'est le coût total de la guerre du Golfe: opérations militaires, destructions en Irak et au Koweït, manque à gagner pour les pays de la région. Avec le dixième de cette somme, on pourrait irriguer tout le Sahara. Avec un tiers, on pourrait financer pendant dix ans tous les grands objectifs de l'Unicef : contrôler les grandes maladies infantiles, réduire de moitié la malnutrition, fournir eau propre et soins de santé à toutes les collectivités, assurer à chaque enfant une éducation de base (Source: International Herald Tribune, 26/04/1993, Rapport Unicef 1993).
Le Hollandais Van der Stoel, rapporteur spécial au Conseil de sécurité, mène régulièrement grand tapage contre le projet irakien de "troisième rivière" : récupérer des terres cultivables, notamment dans les marais du sud en éliminant l'excès de salinité du sol. Il va jusqu'à prétendre qu'il s'agit de "transformer la région en désert"! (Le Soir, 25/11/93). Pourquoi ne signale-t-il jamais que ce projet a été conçu en 1952 par des ingénieurs hollandais?
La rétablissement promis de la démocratie
au Koweït s'est soldé par des élections en octobre 1992.
100% des femmes et 89% des citoyens koweïtiens
en étaient exclus. La voix de chaque électeur se payait 3000
dinars: (environ 50 000 FF).
Source: La Clé,
France, novembre 1992, Courrier International, 29/09/92.
En juillet 1992, notamment, opérant à
partir de la Turquie, des avions britanniques et américains volant
à basse altitude ont brûlé des champs de blé
et d'orge au nord de l'Irak et de légumes au sud.
Source: Solidaire, 29/07/92.
Un pilote allemand travaillant pour l'ONU en Irak : "Nous rédigeons des rapports pour l'ONU où l'on répète, depuis que je travaille ici, "rien à signaler". Mais certains de ces rapports sont modifiés pour faire croire que l'on trouve encore des armes chimiques. Ce qui permet de maintenir l'embargo". Source: Solidaire, 07/07/93.
Paul Quilès, ex-ministre français
de l'Intérieur, à propos du blocus imposé par les
routiers: "En démocratie, on ne peut pas prendre les gens en otage,
tenter d'affamer une région, faire un blocus qui compromet des emplois."
Source:
France2, 03/07/93.
Aucun média ne lui a demandé: "la
France faisant bien pire en Irak, est-elle une démocratie?"