Les photos-satellites prouvaient-elles que l'Irak
menaçait l'Arabie Saoudite?
Ce qu'on vous a dit...
Le Soir, 07/08/90
Le secrétaire d'Etat américain Dick Cheney tente actuellement à Riyad de convaincre les dirigeants saoudiens d'accorder leur feu vert à une éventuelle utilisation de leurs bases par l'US Air Force. Pour appuyer sa requête, M. Cheney a dû soumettre à ses hôtes des photos de satellites espions sur les préparatifs irakiens à la frontière saoudienne.
En août 90, les médias parlent quotidiennement de cette
"menace que l'Irak fait peser sur l'Arabie Saoudite". Etait-ce vraisemblable?
Nos médias remplacent toute analyse sérieuse par un argument
massue, répété plusieurs jours d'affilée: les
photos-satellites. Personne ne les a vues, mais aucun média ne les
met en doute. Cette confiance dans "les satellites" est-elle bien placée?
Confrontons plusieurs expériences:
1. Les Etats-Unis ont prétendu avoir été "surpris"
par l'invasion du Koweït. Pourtant, selon Le Monde lui-même,
"les services secrets français ne s'interdisent pas de penser que
les services américains disposaient d'informations précises
tendant à prouver les préparatifs irakiens d'invasion du
Koweït. Donc, les satellites US avaient vu, mais on n'a rien dit.
Premier
mensonge.
2. Toujours selon Le Monde et les services spéciaux français,
"des photos-chocs (...) montrant les mouvements et la disposition des troupes
irakiennes au Koweït (...) auraient été emmenées
dans les bagages des émissaires américains à Riyad
lorsque ces derniers cherchaient à convaincre le roi d'Arabie Saoudite
de faire appel à l'assistance militaire occidentale".
Deuxième
mensonge
, comme le montre le texte ci-contre...
3. Plus tard, quand on a prétendu que l'Irak massait des forces
"très importante" pour résister à l'offensive alliée,
les satellites auraient vu "une ceinture de 60 km de mines" aux frontières
est du Koweït.
Troisième mensonge, infirmé lors de
l'offensive finale.
Les satellites, nouvelle arme de propagande médiatique,
ne voyant rien, puis voyant tout, puis ne voyant de nouveau rien.
Ou bien disant tout ce qu'on veut?
Et ce qu'on vous a caché...
11 septembre 90: toujours en invoquant cette menace irakienne sur l'Arabie
Saoudite, le président Bush annonce l'envoi massif de troupes US
dans le Golfe. Preuve de la menace: des photos-satellites
(que personne
ne verra jamais!).
Selon le ministère de la Défense US,
1.500 chars et 250.000 soldats irakiens menacent l'Arabie Saoudite.
Or, des photos prises le même jour par un satellite commercial
soviétique montrent que cette menace irakienne sur l'Arabie Saoudite
n'existe pas: pas de troupes, pas de chars, pas d'infrastructure pour soutenir
une offensive.
Novembre 90: la chaîne nationale
ABC News achète ces
photos. Sa direction décide de ne pas les rendre publiques. Argument
invoqué: une partie du Koweït n'est pas couverte par les photos.
Fin décembre 90: un journal local américain,
le St
Petersburg Times, achète la photo manquante (1.560 $).
Son journaliste
Jean Heller soumet l'ensemble des images à
deux experts en analyse
de photos-satellites: un physicien nucléaire et un ancien spécialiste
d'images de la DIA (Defense Intelligence Agency).
Les photos révèlent
clairement l'importante présence militaire US à l'aéroport
de Dahran; par contre,
aucun des deux n'y voit du côté
irakien "aucun ensemble de tentes, pas de rassemblement de chars ni de
troupes, et la plupart des bases aériennes koweïtiennes semblent
désertes.
Cinq semaines après l'invasion, d'après ce que nous pouvons
voir, la force aérienne irakienne n'a pas déplacé
un seul combattant vers la base aérienne la plus stratégique
du Koweït. Il n'y a pas d'infrastructure de soutien à un grand
nombre de militaires. Ils doivent utiliser des toilettes ou leur équivalent.
Ils doivent avoir de la nourriture. Ils ont besoin d'eau, plusieurs litres
par jour par personne. Ils ont besoin d'abris.
Où cela est-il?
Début janvier 91: Heller demande au ministère de la Défense US des preuves contredisant ces photos-satellites. Refus de répondre.
6 janvier 91: Heller publie le résultat de ses recherches.
Aucun média américain ne voudra y faire écho. Par
deux fois, l'agence
Associated Press
refuse de les
diffuser.
En Europe également, on fera le silence sur ces photos "gênantes"...
Sources: St Petersburg Times, 6 janvier 91, In These Times, 27 février 91.