"Supercanon" ou supercanular?

Avant et après la guerre, une longue campagne de presse a été menée dans les médias occidentaux sur le thème du "supercanon" irakien. On parlait de la possibilité d'envoyer des obus chimiques, voire atomiques de plusieurs tonnes à 700, voire 1 600 km.
En août 1991, W. Butler, chef de la mission de l'ONU en Irak, déclarait avoir inspecté avec son équipe un canon de 350 mm, long de 52,2 mètres ayant une portée de 700 km. Ce "canon" sera détruit au mois d'octobre. Le même mois, D. Englund, autre chef de mission de l'ONU, annonçait que six pièces d'un autre supercanon, plus grand encore, avaient été découpées au chalumeau.
La revue Science et Vie a publié en novembre 91 un article scientifique démontrant l'impossibilité technique de construire un tel supercanon. Les médias n'y ont pas fait écho et ont continué à ressortir de temps à autre le même thème. Voici des extraits de cet article...

Science et Vie
novembre 1991

Le mythe du canon irakien
"Il suffit de regarder ces photos pour voir qu'il s'agit d'un enfilement de canalisations normalisées de 12 à 15 pouces (30 à 38 cm) à raccord par collerettes boulonnées, du type qu'on rencontre dans les raffineries, ou plus prosaïquement, lorsqu'on ouvre des tranchées dans les trottoirs et qu'apparaissent les tuyaux d'adduction d'eau.
Prétendre que ce montage bricolé, les tubes reposent tous les 10 m environ sur des berceaux liés à des soubassements de béton d'où émerge une charpente en bois des plus grossières, est un prototype capable de lancer des obus à des centaines de km relève du canular. Qui plus est, cela revient à considérer les ingénieurs irakiens, qui ne sont pas plus mauvais que les autres, comme des demeurés.
Les lois les mieux établies de la physique montrent qu'un canon ne peut dépasser une vitesse initiale de 2 000 mètres/seconde, laquelle correspond à une portée d'environ 200 km. En effet, un obus ne peut aller plus vite que la vitesse d'expansion des gaz de déflagration de la poudre qui vont le pousser à travers le tube, tout comme un cavalier ne peut aller plus vite que la monture qui l'emporte.

On ne distingue nulle part le moindre dispositif d'alignement rigoureux des tubes, pourtant indispensables si l'engin est destiné à être parcouru, non par un liquide, mais par un solide lancé à une vitesse telle qu'un simple écart de quelques millimètres par rapport à la ligne droite entraînerait la rupture des parois par le choc. On n'aperçoit pas non plus le moindre système de glissière destiné à permettre aux tubes de reculer au départ du tir (...) La bombarde du désert semble bien avoir le même diamètre sur toute sa longueur, contrairement au tube d'un canon qui est très mince en bout et très gros à la base.

Prétendre qu'on peut faire un canon en reliant sur 52 mètres des canalisations de chantier relève de la plus haute fantaisie (...) Reste enfin à regarder la chose sans préjugés: les clichés diffusés montrent (...) une longue canalisation faite de tuyaux très ordinaires raccordés de bout en bout et posés sur une base cimentée. La première idée qui vient à l'esprit est qu'il s'agit d'une tuyauterie de gros diamètre destinée à alimenter en eau un chantier installé en bas, ou à pomper un liquide quelconque venat du même chantier (...) Il ne viendra jamais à l'idée d'une personne un peu au courant de la chose scientifique qu'il puisse s'agir là d'un canon portant à des centaines de kilomètres."



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